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COVID-19 : urgence d’une prise en compte d’un chainon négligé.

22 juin 2020

Le monde entier est confronté à un nouveau coronavirus très contagieux responsable de centaines de milliers de morts. Les infections à coronavirus sont fréquentes et communes aux animaux et aux humains. Certaines souches du virus sont zoonotiques, c’est-à-dire qu’elles sont transmissibles de l’animal à l’homme et vice versa, d’autres cependant sont spécifiques aux animaux. Le coronavirus vient des animaux sauvages et s’est adapté aux animaux domestiques et à l’homme par des mécanismes complexes.

Le nom de ce virus arrive dans les médias et dans l’opinion après son apparition en Décembre 2019 à Wuhan en Chine. Les coronavirus ne sont donc pas nouveaux et existent sous plusieurs formes.

Chez la volaille, on parle de virus de la bronchite infectieuse aviaire. C’est un agent pathogène aviaire qui affecte l’appareil respiratoire, le tube digestif, les reins et le système reproducteur des poulets. Cette forme de coronavirus ne se transmet pas à l’homme et sa lutte est faite par un vaccin efficace chez la volaille. Les éleveurs de volaille en ont l’expérience.

Chez l’homme, les coronavirus peuvent provoquer des maladies allant de la grippe à des affections respiratoires plus graves. On dénombre trois types de coronavirus. (i) La première variante, le Middle East Respiratory Syndrome Coronavirus (MERS-CoV) a été découverte en 2012 au Moyen Orient provoquant en particulier un symptôme de pneumonie aiguë. (ii) La deuxième est causée par le Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus (SARS-CoV). Le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère ou SARS-CoV (parfois SARS-CoV-1 pour bien le différencier du SARS-CoV-2 apparu en 2019), est le coronavirus responsable de l’épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) qui a sévi de 2002 à 2004. Des enquêtes approfondies ont démontré que le coronavirus du SRAS avait été transmis de la civette à l’homme. (iii) Enfin, la dernière variante est le SARS-CoV-2 qui sévit actuellement sous la forme d’une pandémie à travers le monde avec des mutations.

Récemment, 44 cas de pneumonies d’origine inconnue ont été signalés à la représentation de l’OMS-Chine à Wuhan en décembre 2019. Les médecins chinois ont suspecté plusieurs germes pathogènes respiratoires. Après 22 germes testés négatifs, les médecins ont conclu à un virus inattendu mais de dangerosité mondiale. Du 11 au 12 Janvier 2020, le lien est établi entre la maladie et le marché de fruits de mer et d’animaux vivants de Huanan (Wuhan). Le virus provient des animaux sauvages et son passage à l’homme est en train d’être élucidé avec la transmission d’homme à homme.

Cas de transmission de l’homme aux animaux domestiques et la faune.

 

Du fait de sa dangerosité, l’intérêt de la population s’est davantage porté sur la transmission interhumaine, pourtant des risques que la maladie repasse aux animaux ou qu’il existe de nouvelles émergences sont réels. A partir du mois de Mars 2020, des cas de transmission du virus aux animaux de compagnie et d’élevage ainsi que de la faune par les propriétaires ou visiteurs testés positifs ont été signalés. A ce jour, huit (08) pays ont notifié des cas de contaminations d’animaux de compagnie et de parc zoologique à l’Organisation Mondiale de la Santé Animale (OIE). Avec l’insuffisance des tests, les animaux ne sont pas inclus dans les tests et le traçage.

En effet, plusieurs animaux domestiques et sauvages ont été infectés par SARS-CoV-2 suite à un contact rapproché avec des personnes infectées. La liste de ces cas constitués pour la plupart de canins et de félins s’établit comme suit et en fonction des pays où ils ont été détectés :

Date

Lieu

Espèces

Nombre de cas

09/03/2020 et 18/03/2020

Hong Kong

Chiens

2

28/03/2020

Belgique

Chat

1

6/04/2020

Zoo New York

Tigre

1

22/04/2020

New York

Chats

2

26/04/2020

Pays-Bas

Ferme de visons

2

2/05/2020 et 12/05/2020

France

Chats

2

11/05/2020

Espagne

Chat

1

13/05/2020

Allemagne

Chat

1

26/05/2020

Russie

Chat

1

 

Concernant les symptômes de la maladie, les chiens testés positifs à Hong Kong ne présentaient pas de signes cliniques. Le chat testé positif en Belgique présentait des signes de diarrhée, vomissement et d’anorexie. Le tigre à New York a été en contact avec 7 autres animaux dont 3 lions et 4 tigres qui ont tous été testés positifs. La plupart de ces félins ont présenté des signes d’affections respiratoires. Ces animaux auraient été contaminés par un gardien du zoo infecté, qui ne présentait pas de signe de la maladie.

 

Les investigations ont révélé que tous ces animaux auraient été contaminés à la suite d’expositions à leurs propriétaires ou les personnes en charge de leur surveillance qui ont tous été testés positifs. L’Organisation Mondiale de la Santé Animale (OIE) a donc mis en place un groupe international de travail sur le lien entre le COVD-19 et l’animal, et a fait des recommandations à l’endroit des services vétérinaires pour une surveillance plus accrue. Cela devrait systématiquement intégrer les stratégies nationales en cours.

Des études sont donc en cours pour mieux comprendre la sensibilité de différentes espèces animales au SARS-CoV-2 et pour évaluer la dynamique de l’infection chez les espèces animales sensibles. En l’état actuel des informations, les félidés semblent être les animaux les plus sensibles. D’autres observations ont montré que le virus se répliquait dans les voies respiratoires supérieures chez les chats et les furets. Cependant, il n’est pas encore établi que ces animaux recontaminent les humains. Mais si la pandémie perdure, l’on pourrait s’attendre à des risques pour la faune et même des risques pour les humains en cas de retour ou de renversement de contamination. L’on aurait un cas d’un virus avec un système de transmission multiple (animal-homme, homme-homme, homme-animal). Ces hypothèses sont en cours d’étude.

 

L’exposition du secteur des ressources animales au COVID-19

Le secteur des ressources animales apparait donc, en dehors de la transmission ci-dessus décrite, comme l’un des milieux favorables à la propagation du Coronavirus à travers certains maillons ou points critiques des filières animales en raison des activités qu’il regroupe.

Certains abattoirs, marchés d’animaux vivants et les débarcadères de poissons et fruits de mers n’ont pas d’infrastructures adéquates à la mise en œuvre de mesure de biosécurité. Ces espaces sont fréquentés par un grand nombre d’acteurs en provenance d’horizons divers. La mise en œuvre de la distanciation physique est difficile à réaliser dans ces espaces.

Ainsi, une seule personne contaminée dans ces structures peut constituer une source de propagation du virus. Ce fut déjà le cas au Ghana au mois de Mai 2020 dans une usine de transformation du poisson à Tema, la plaque tournante de la pêche sur la côte atlantique, où un seul ouvrier contaminé avait pu engendrer une transmission du virus à près de 500 collègues.

 

Contribution du secteur vétérinaire

Au regard des risques décrits, les acteurs de la santé animale ont un potentiel énorme dans la prévention et la lutte à travers des mécanismes qui ont fait leur preuve dans l’élimination des épidémies et des pandémies à l’échelle mondiale. Ainsi dans l’élan de l’application de l’approche « Une Seule Santé » ou « One Health », la collaboration et la mise en œuvre de certaines dispositions urgentes sont à prendre en compte dans le cadre des mécanismes de lutte en place.

La réquisition des vétérinaires dans la détection des cas suspects par la mise en place d’une surveillance épidémiologique des animaux de compagnie. Il s’agira de faire une enquête sur les facteurs de risque autour des personnes testées positives et ayant en leur possession des animaux de compagnie suivis aussi par des maîtres-chiens ;

 

La capacité des laboratoires vétérinaires à effectuer les tests. Ces laboratoires sont dotés de services de virologie avec une bonne expérience en matière de détection des virus par les techniques avancées de biologie moléculaire. Au regard de l’évolution vers le choix de la détection de masse, la contribution des laboratoires vétérinaires pourrait contribuer à désengorger les centres de dépistages basés principalement dans les capitales. Cette expérience est déjà vécue en France et en Allemagne.

 

Le renforcement en urgence et l’intensification des mesures de biosécurité dans les zones de production, de traitement et de commercialisation des produits (abattoirs, zones de pêche, débarcadères, élevage, marché à bétail, maisons…). Cela nécessite la mobilisation des vétérinaires dans les programmes d’assainissement, de désinfection et d’hygiène sans oublier la sensibilisation et l’équipement des acteurs dans le cadre des mesures économiques.

 

La restriction des contacts avec la faune, les zoos, parcs et réserves aux visiteurs. Les visiteurs peuvent contaminer les animaux sauvages ou en captivité. L’on peut suspendre les visites des populations aux animaux ou à défaut mettre en place des mesures barrières adaptées à la faune et préconisées par la Société Africaine de Primatologie (www.csrs.ch) .

Le renforcement de la communication et la sensibilisation. Les vétérinaires actifs en milieu rural et en contact avec les populations mobiles sont capables de prendre une part active dans la sensibilisation auprès des différents acteurs des principales filières animales et halieutiques.

 

La pandémie du COVID-19, ouvre davantage le débat sur l’appropriation de l’approche Une seule santé. Cette approche invite à la collaboration intersectorielle des acteurs de la santé afin de résoudre les problèmes de santé, surtout les zoonoses et générer une valeur ajoutée aux plans économique, social et environnemental.

L’appropriation du concept « Une Seule Santé » par les comités de lutte contre le COVID-19 dans les pays est indispensable pour une approche intégrée contre la pandémie afin que les secteurs encore négligés puissent apporter leur expertise au système de santé.

 

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